Jihâd Offensif (jihâd ibtidâ’î) (3)

Jihâd Offensif (jihâd ibtidâ’î) (3)

Le jihâd en période d’occultation

 

Préambule

Le décret du jihâd et du jihâd offensif, tel que voyons aujourd’hui son héritage à l’œuvre, n’est rien d’autre qu’une production des vainqueurs historiques de l’islam, vainqueurs des guerres des différentes périodes de l’histoire de l’islam. Ces guerres ont été déclarées et menées en tirant profit de nombreuses traditions et coutumes du passé, jointes à des croyances doctrinales récentes, appuyées par de nombreux hadiths et récits du passé de l’islam, des hadiths pouvant être falsifiés ou sortis de leur contexte, des traditions et des croyances sacrées objets de respect chez tous les gouvernants, savants religieux et gestionnaires des appareils de pouvoir de l’époque, attirant aussi le soutien de la masse manipulée par des savants et des juristes.  Au fil du temps, spécialement après le troisième siècle de l’Hégire, avec les conflits sociaux et la vie commune du peuple, les oulémas ont remplacé ces traditions et ces croyances par des règles et des préceptes religieux fixes afin de résoudre les problèmes de leur temps. Le « meilleur jihâd » (afdal), qui à l’époque de la vie du Prophète apparaissait comme une idée pure, fut posé comme l’une des œuvres les plus aimées du Prophète dans les siècles ultérieurs, sous la forme de règles dogmatiques, et fut changé en préceptes saints. Il a changé de direction, et de la spiritualité, il  s’est tourné vers la guerre et la violence.

Les édificateurs et les administrateurs de ces préceptes s’employaient d’une part à gouverner, d’autre part à parer ces préceptes de légitimité et de valeurs religieuses aux yeux des gens. Les docteurs et les juristes religieux n’ont pas seulement harmonisé la figure de ce précepte avec celles des trois autres et de tous les préceptes religieux, en leur apposant le sceau de la confirmation : ou bien ils arrangeaient les affaires aux côtés du détenteur du pouvoir, ou bien dans certaines périodes, comme la période safavide, ils tenaient eux-mêmes les rênes du pouvoir. Leur but était à la fois d’appliquer ces décrets parmi les gens, sans se heurter au pouvoir en place. Au début, les docteurs de la religion étaient alliés du gouvernement en légitimant l’exercice de la souveraineté (hâkimiyat). Les opposants à ces docteurs officiels furent repoussés avec le temps à la marge ou à l’extérieur de la scène. Par exemple, à l’époque des Omeyyades, nous observons la mise à l’écart et, à l’époque safavide, la coopération des savants religieux avec le pouvoir.

On peut se demander pourquoi les responsables directs de ces préceptes étaient toujours des religieux (rûhâniyûn) qui, souvent, se sont installés sur le siège de l’arbitre ou du juge et se sont mêlés directement de prononcer des décrets. De façon officielle ou non officielle, ils ont incité la masse du peuple à participer à des affaires comme la guerre, mobilisé les aspirations de la masse et les appareils de pouvoir pour la guerre. Depuis l’apparition de ces préceptes religieux, en particulier ceux dont l’application est collective comme le jihâd, les docteurs et savants religieux en ont exercé la responsabilité directe, Avec la confiance du peuple, les oulémas se sont chargés d’un rôle de premier ordre : le juriste donnait l’autorisation et le souverain agissait.

 Si l’on examine l’histoire du droit pénal, des décrets relatifs à la guerre (jihâd), à l’assurance des dépenses de guerre et aux sommes d’argent obligatoirement versées, l’on trouvera qu’ils ont été originellement mise en place, théorisé et érigé en lois par les juristes. Voyant la plupart du temps le juriste avoir le monopole du jugement, jusqu’à donner les ordres de vie ou de mort, on se demande si tous ces recueils de hadiths et de traditions de l’histoire religieuse n’étaient pas un moyen pour maîtriser la société.

Le jihâd en période d’occultation a deux aspects. Le premier aspect est spirituel, céleste et divin, il ne peut être effectué que sous l’autorisation de Dieu et d’un guide divin qui est l’imâm impeccable soutenu par Dieu. Cet aspect, après le meurtre de l’imâm Husayn, a changé de forme. Les imâms suivants se sont efforcés de recouvrer le gouvernement de ‘Alî, ont pratiqué la dissimulation à la place de la guerre et de la tuerie et ont suspendu le jihâd. Ce fut ce renoncement au jihâd qui, depuis les mœurs du début, avec la dissimulation, la patience et la droiture, a trouvé à se prolonger. Cette forme de jihâd ne tire sa légitimité que de Dieu et, après lui, de l’autorisation de l’imâm impeccable ou d’un représentant de l’imâm de la part de Dieu ou d’un délégué que cet imâm, représentant de Dieu, aurait personnellement désigné. Cet aspect a surtout un caractère spirituel. Les juristes partisans de cette explication se sont éloignés du jihâd en suivant la puissance spirituelle, la dissimulation, les œuvres intellectuelles, etc.  

Le second aspect est terrestre, mondain. Cet aspect est nécessairement captif dans le destin de chaque époque il a d’autres caractères et défauts, suit un autre cours : tantôt un cours matériel-économique, tantôt un cours politique, un temps complètement interrompu, puis à nouveau démarré, toujours en accord avec le cours de la politique et la puissance du pouvoir en place. Dans son aspect terrestre, le jihâd offensif, en l’absence de l’imâm impeccable, a suscité des discussions et oppositions diverses parmi les dignitaires, les prétendants et les partisans du jihâd offensif ; des oppositions et des contestations qui durent jusqu’à aujourd’hui. Aucune solution propre à mettre tout le monde d’accord n’a jamais été trouvée. Cette harmonie de vues, mélangée avec toutes les habitudes traditionnelles anciennes et modernes, le soutien des pouvoirs de l’État, l’étatisation des juristes, la manipulation des réalités historiques pour aboutir  à la situation présente, tout cela donne à penser que tout semble être allé de manière naturelle, comme si tout ce qui se passait aujourd’hui était le résultat d’un processus logique du temps, en harmonie avec les principes originaux de l’islam.

Or, l’aspect terrestre du jihâd offensif et son application en période d’occultation ont donné lieu à différentes réactions théoriques et fait l’objet de nombreuses classifications. Ces classifications n’ont donné lieu à aucun consensus, à aucune compréhension mutuelle globale au sein des docteurs. Ce sont ces classifications en partie contradictoires qui, sous le titre de jihâd offensif, donnent lieu aujourd’hui à des opérations-suicide prenant le titre de guerre légitime ou de guerre sainte.       

La défense légitime, la terreur, les opérations-suicide… Autant de concepts importants qui, parallèlement au déploiement mondial de la violence et de la terreur au cours des dernières décennies, ont mis devant la scène certains courants islamistes, sunnites et shî‘ites. Abstraction faite des explications purement politiques, des points de vue géopolitiques, des facteurs psychologiques, des déficiences sociales, des explications sociologiques, la cause fondamentale et le principal sujet idéologique, en relation avec la guerre et le jihâd, surtout offensif, cette doctrine est un phénomène religieux dont la relation avec des points de vue doctrinaux reste à étudier scientifiquement. 

Dans la littérature islamique politique, surtout dans la révision du précepte de jihâd offensif, la compréhension de ce phénomène est très importante. La question centrale dans l’étude du jihâd, en particulier offensif, est de savoir quelle interprétation donne aujourd’hui la doctrine religieuse shî‘ite de la définition la terreur et des opérations-suicide, et quel lien existe entre ce phénomène répandu et le jihâd offensif.